18 mai 2013

Les îles sous le vent


Extrait de "Marius" de Marcel Pagnol
Acte II  Scène 5

"Non… Il y a longtemps que cette envie m'a pris… Bien avant qu'il vienne… J'avais peut-être dix-sept ans… et un matin, là, devant le bar, un grand voilier s'est amarré…

C'était un trois-mâts franc qui apportait du bois des Antilles, du bois noir dehors et doré dedans, qui sentait le camphre et le poivre. Il arrivait d'un archipel qui s'appelait les Îles Sous le Vent.
J'ai bavardé avec les hommes de l'équipage quand ils venaient s'asseoir ici ; ils m'ont parlé de leur pays, ils m'ont fait boire du rhum de là-bas, du rhum qui était très doux et très poivré. Et puis un soir, ils sont partis. Je suis allé sur la jetée, j'ai regardé le beau trois-mâts qui s'en allait… Il est parti contre le soleil, il est allé aux Îles Sous le Vent…
Et c'est ce jour-là que ça m'a pris. (.......)

" Lorsque je vais sur la jetée, et que je regarde le bout du ciel, je suis déjà de l'autre côté. Si je vois un bateau sur la mer, je le sens qui me tire comme avec une corde.
Ça me serre les côtes, je ne sais plus où je suis… Toi quand nous sommes montés sur le Pont Transbordeur, tu n'osais pas regarder en bas… Tu avais le vertige, il te semblait que tu allais tomber. Eh bien moi, quand je vois un bateau qui s'en va, je tombe vers lui…"