12 févr. 2020

In memoriam

Extrait des ROMANCES DU VENT
Pages 39-40 


                                                LE RITAL


 On était au début du XXième siècle, la misère sévissait dans le sud de l’Italie.
 L’homme en avait assez, la vie était trop dure dans son pays ; alors, il s’était arraché tout seul de son village natal, comme une plante qui végète et aspire à plus d’espace. Il avait décollé ses semelles du sol que tous ses ancêtres avaient foulé avant lui, bien décidé à porter ses pas ailleurs, loin, dans un autre territoire,  qu’il voyait accueillant dans ses rêves.
En partant, il n’emmenait que le strict nécessaire,  il ne s’est pas aperçu de notre présence. Mais nous, on ne pouvait pas le laisser partir comme ça, ce n’était pas possible, les anciens  nous en auraient voulu, surtout ceux qui n’étaient plus de ce monde, les pères de ses pères, et même la poussière du chemin qui est notre mère, nous ont donné l’ordre de le suivre.
Il ne voulait plus entendre parler de sa parcelle de terre, monticule pelé, aride, ingrat, sur lequel rien de comestible ne voulait pousser. Rayés de sa mémoire, les vieux du village qui pleuraient son départ, oublié le soleil de plomb qui vous tanne la peau, et vous plombe la tête ;  il avait décidé de vivre là où le climat serait doux et frais, où les arbres porteraient des fruits juteux et sucrés.
Ses pas, il les mettait dans ceux de cet inconnu parti au lendemain de sa naissance, assommé de chagrin parce que sa mise au monde avait coûté la vie à sa mère. Ce jour là, son père avait tourné le dos, et on ne l’avait jamais revu…
Son bagage n’était pas bien lourd, mais ses bras étaient solides, il était jeune et fort ; en marchant vers le bateau, il avait un sourire conquérant, il était prêt à aimer tous ceux qu’il rencontrerait, avec ses longs cheveux au vent, il ressemblait à un chevalier partant pour la croisade.

1 févr. 2020

Rose d'hiver

Il fait si doux cet hiver que de fragiles roses fleurissent à l'abri des jardins...

"Mignonne,allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu, cette vêprée,
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las! las! ses beautés laissé choir!
Ô vraiment marâtre Nature,
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Pierre de RONSARD  ( 1524 - 1585 )