Extrait du livre
LE MASQUE DES HEROS
Page 29
"Il a débité tout son petit texte d’un seul coup après l’avoir écrit à l’avance pour être sûr de ne pas oublier un seul mot. Cette nuit-là, il est tellement énervé, qu’il n’arrive pas à dormir. Son corps tourne et retourne sur le matelas comme sur un gril ; en face de lui, sur le mur, un tableau représentant une chaumière au clair de lune attire son regard sans arrêt. Ses yeux reviennent sans cesse à cette peinture un peu mièvre, ce cadre évoque un coin de campagne anglaise, enfouie dans la verdure, habité par des personnages à la Dickens, tout à fait incongru en Provence, mais cela le fascine. Il se souvient avoir marché devant la fenêtre ouverte pendant un bon moment, en songeant à la Bretagne. Il se revoit en train de fumer, assis sur le lit avec en lui, une souffrance inouïe, une blessure vive qui refuse de se fermer.
Rien, jamais, ne pourra plus le calmer. Rien.
Au matin, il a serré son bol de café entre ses deux mains pour se réchauffer le cœur, en négligeant les aimables tartines sur la grande soucoupe fleurie. Il n’ose pas sortir de peur qu’elle téléphone en son absence. Alors, il reste là, devant la baie vitrée à humer l’air qui passe, à sourire aux gamins qui jouent sur la place à taper dans leur ballon pour marquer des buts imaginaires. Quand il lève les yeux, le bruissement des feuilles de platane le berce doucement ; il se perd dans la contemplation des arbres, dans le balancement des branches au soleil, rien de plus paisible qu’un matin d’été frangé d’ombre et de lumière à la lisière des toits.
Soudain, le téléphone sonne, d’un bond, il colle l’écouteur à son oreille.« Allô ? "