15 déc. 2013

L'histoire d'un marginal


Extrait de "La calanque perdue"
Page 67

LE RENDEZ VOUS

« Com’ti Veu » était un drôle de phénomène, il devait son surnom à cette formule qu’il servait à tout le monde quand on lui demandait quelque chose.
Il squattait une vieille caravane incapable de rouler, abandonnée par des gitans, et vivait au jour le jour sans se soucier du lendemain. Fallait-il aller faire une course ? Laver une voiture ? Arracher de mauvaises herbes dans un jardin ? On faisait appel à lui. Et comment le payait-on ? Avec ce qu’on avait, Com’ti Veu était le roi du troc, il échangeait, acceptait ce qu’on lui donnait sans rechigner et en faisait son bonheur d’une façon étonnante !
Le plus important pour lui, c’était de garder sa liberté, même si cela lui coûtait cher quelquefois ; en avait-il vu des hivers glacés et des étés brûlants, et des journées entières sans manger, mais d’un court passage à la légion, il avait gardé le goût du courage, et de son enfance abandonnée, l’endurcissement face à l'adversité.