Extrait de "LA CALANQUE PERDUE"
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" Il faisait un vent de tous les diables ce jour là.
Le ciel était en colère, les arbres se tordaient de rage, les rues hurlaient à
la mort dans une cacophonie épouvantable de klaxons déchaînés.
Elle avançait péniblement, ses rhumatismes la
transperçaient de douleurs aiguës à chaque pas, elle y voyait mal, luttant
contre les rafales qui menaçaient de l’abattre à chaque instant. A un moment,
elle s’appuya dans l’embrasure d’une porte pour reprendre haleine ; le
souffle lui manquait ; son regard se porta machinalement de l’autre côté
de l’avenue, et c’est là qu’elle le vit, assis au volant d’une voiture en
stationnement. Il avait à peine changé, elle l’aurait reconnu n’importe où,
pourtant il avait disparu de sa vie depuis bien longtemps.
Alors, lui
revint en mémoire, les mots qu’il avait coutume de lui dire pour la consoler de
ses chagrins d’enfants :
« T’en fais pas ; tous les deux, quand on sera
grand, on partira en Amérique… »
Il y avait bien cinquante ans de ça…"