Extrait de "La calanque perdue"
Page 58
" Elle l’entendit qui disait en claquant la
portière :
« Bon, il n’y a pas trop de mal ; tout va
bien ! »
Elle n’avait pas prononcé un seul mot ; elle
serrait un billet dans son poing crispé ; elle avait une vague douleur
dans le dos et commençait à peine à reprendre ses esprits.
Elle se remit à marcher lentement pour remonter
l’allée et se coller aux vitres du salon. Le choc avait été plus rude qu’elle
ne l’aurait cru. En quelques instants, elle était passée de l’autre côté ;
à cause de ses cheveux défaits, de sa robe sale, et de ses pieds nus, elle
était sortie sans s’en apercevoir du monde des nantis.
Il lui aurait été facile de remettre ses chaussures,
de se recoiffer, et de faire une apparition remarquée telle Cendrillon au milieu
du bal, mais elle n’en avait aucune envie.
Finalement, elle préférait rester à sa place, de
l’autre côté du miroir. Elle regardait tout ce beau monde s’agiter et se faire
des courbettes sans les envier le moins du monde. Certes, elle avait pris un
sacré coup sur la tête, tout devait venir de là !
Cette rencontre fortuite avait le goût d’un secret, il y avait là quelque chose d’indicible et de profond qui lui appartenait à jamais."