Extrait de "ECHEC ET MAT"
Pages 26-27
Le lendemain et les jours
suivants lui parurent sans attrait ; ses enfants étaient loin, son mari
parti à l’étranger pour ses affaires. Le temps s’étirait en occupations
fastidieuses et inutiles. Elle prit sa décision subitement ; annula tous
ses rendez-vous ; enfila un tailleur pantalon, chaussa les escarpins
assortis, se saisit d’un léger sac de voyage, et annonça qu’elle partait faire
une cure de thalasso en Bretagne. Elle cala son minuscule téléphone portable au fond de sa poche, puis sauta dans le premier
train en partance pour la
Provence.
Dés qu’elle fut installée dans le fauteuil
confortable du wagon de première classe, elle se sentit mieux ; le paysage
défilait par la fenêtre à une vitesse vertigineuse.
Elle se sentit emportée à la
vitesse du vent. Les arbres couraient derrière la vitre, le décor changeait progressivement.
Cela ressemblait à une fuite en avant, mais
elle savait parfaitement où elle allait. Il y avait un petit coin de paradis
quelque part, elle y volait, le plus rapidement possible, abandonnant tout sur
son passage, pour ne penser qu’à ce qui l’attendait à l’arrivée.
Elle se murmurait avec
ravissement :
« Chacun de nous a un jardin
secret ; le mien m’attend… »
En gare d’Avignon, elle sauta sur
le quai et se dirigea vers les toilettes d’un pas décidé. Quelques minutes plus
tard, elle en ressortait en jean’s et en chandail, chaussée de tennis, le
visage démaquillé et les cheveux bien brossés, relâchés sur ses épaules. Elle
était méconnaissable, ainsi, rajeunie, différente.