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Finalement,
il avait exaucé son rêve, mais sans elle, il était parti en
l’oubliant comme un paquet de cigarettes sur une table, sans y
attacher plus d’importance que ça ! Pourtant, tandis qu’il
dévidait le cours de ses souvenirs, elle réalisait qu’il lui
restait attaché, qu’elle faisait partie de sa vie, que dans la
trame du temps, elle était un fil indispensable, alors pourquoi
l’avait-il laissée en route ?
Elle n’osa
pas poser la question.
Au fait,
pourquoi elle-même n’était-elle jamais partie ? Elle avait
été stupide de l’attendre !
Il mit sur
le compte de l’émotion des retrouvailles son regard embué de
larmes, s’extasia sur l’éclat de son sourire toujours aussi
radieux, finit par l’enlacer avant de rejoindre d’un bond sa
voiture, il était pressé. Il lui fit de grands gestes d’adieu de
la main en partant, et c’est seulement en le voyant démarrer
qu’elle s’aperçut qu’il ne lui avait même pas donné un
numéro de téléphone.
Elle reprit
son chemin comme si de rien n’était, elle marchait au hasard dans
la rue, elle n’entendait plus le vent siffler à ses oreilles. Elle
avait froid, machinalement, elle remonta son col, les feuilles mortes
se ramassaient à la pelle comme dans la chanson ; les vitrines
des magasins défilaient sous son regard las, quand la vue de filles
en paréo retint son attention, une grande affiche pleine de vahinés
ondulantes sautait aux yeux des passants.
Elle poussa
la porte de l’agence de voyage d’un air décidé ; une jeune
femme souriante était assise à un bureau.
Elle
n’hésita pas un instant :
« Bonjour,
mademoiselle, je voudrais partir en Amérique. »